Contribution La Griffe Aquitaine

Rubrique Hors-Normes

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲▲△△

Rapport avec le rite ▲▲△△△

Les poètes qui se disent poètes sont souvent : talentueux et pédants ; ou alors : charmants et sans talent.

Christian Bobin, lui, quand il écrit, nous parle. Il nous parlait, car il vient de mourir. Il est mort le 23 novembre 2022.

Il était « de la race qui chantait dans le supplice », comme le dit bien à propos la citation de Rimbaud rapportée en 4ème de couverture de son dernier recueil : « Le Murmure ».

Ce livre, qu’il a terminé juste avant de mourir - dont on pourrait presque dire qu’il l’a terminé en mourant - est une sorte d’irradiation.

Bobin, en dialogue courtois avec la mort – dont il dit quelque part qu’elle peut être parfois une sorte de couronnement – ne parle que de la vie, du mystère dont est fait la vie : il invoque, il raconte nos propres souvenirs, comment ils s’impriment, nous imprègnent et nous font ce que nous sommes : d’incroyables êtres humains.

On ne peut lire ce livre qu’« à la pointe des yeux », avec une sorte de timidité, par crainte de l’abîmer. Quand on le lit, on pleure. Qu’est-ce qui nous fait pleurer ? Je me pose la question.

Pleurs de mélancolie, pleurs de joie, pleurs de la joie d’exister, de se voir, grâce à lui, en train d’exister ?

Je ne savais pas le dire jusqu’à ce que je tombe l’autre jour sur cette note de Vladimir Jankélévitch :

« La réminiscence – un parfum de glycines dans les rues de Paris – c’est, indépendamment du passé lui-même, de ses contenus et de ses vécus, la « passéité-même », et c’est elle qui nous émeut jusqu’aux larmes. Mystère à la fois latent et patent de l’avoir-été ».

Voilà ; c’est cà ! Bobin nous offre en spectacle avec « Le Murmure » la matière-même du passé, la passéité, cette conscience de l’avoir-été ; et c’est cette réminiscence, non pas de « ce qu’on a été », mais tout simplement de « ce qui a été » - autrement dit le spectacle du temps-lui-même – qui bouleverse l’être humain.

 

On n’est pas obligé d’aimer la poésie, sauf si on aime la parole vraie.

« Toute parole vraie tremble comme l’aiguille de la boussole tournée vers son nord adoré : impossible de la désorienter. » C’est une parole de Christian Bobin.

Une parole qui nous vient - droite et drue - depuis l’Eternel Orient.

Précédent
Précédent

L’HOMME INTERIEUR ET SES METAMPORPHOSES

Suivant
Suivant

LETTRES DE RUSSIE