LE MAL
Contribution La Griffe Aquitaine
Rubrique Métaphysique
Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲▲
Facilité de lecture ▲▲▲▲△
Rapport avec le rite ▲▲△△△
Paul Ricoeur fut un philosophe prolixe et un phénoménologue hyper-consciencieux.
Dans ce tout petit livre, qui transcrit le texte d’une conférence donnée en 1985, il s’attaque dans une synthèse éblouissante à un très grand sujet, dans lequel toute pensée s’abîme, et qui est la « question du mal ».
Ricoeur distingue le mal moral, que la religion appelle péché, mal qu’on fait par l’effet de notre volonté et de notre liberté - pour ce mal là, existe éventuellement l’horizon de la rédemption - d’un autre mal, celui de la souffrance – ou de la mort, mais surtout de la souffrance, le mal qu’on subit, face auquel on ne peut qu’opposer la lamentation, comme la longue plainte de Job dans la Bible, avec ses questions lancinantes : pourquoi, pourquoi moi, et jusqu’à quand ?
Les réponses philosophico-théologiques passèrent historiquement par la théorie un peu absurde de la Gnose, qui donna au mal la qualité d’une substance dont il faudrait s’extraire, système démonté par Saint-Augustin grâce à l’élan donné par le néo-platonisme et qui transforma la question « d’où vient le mal ? » en : « d’où vient que nous fassions le mal ? » ; ou encore par Leibniz qui vit dans le meilleur des mondes possibles créé par Dieu un savant dosage de maux compensés par des biens. Mais ces solutions ne concernaient finalement qu’à la marge la souffrance qui affecte l’innocent : catastrophes, maladies et infirmités, souffrance de la disparition d’un être cher.
C’est là que le mal est et demeure un défi : qu’il est une énigme avant qu’on ne le pense ; et une aporie après, c’est-à-dire « la difficulté terminale produite par le travail même de la pensée » qui a échoué.
Ne reste alors qu’à spiritualiser la lamentation, « la souffrance n’étant scandale que pour qui ne comprend Dieu que comme source de tout ce qui est bon dans la création » ; spiritualisation qui va vers un renoncement quasi bouddhique à la plainte, sagesse de Job qui à la fin consent à aimer Dieu pour rien.