Contribution La Griffe Aquitaine

Rubrique Métaphysique

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲▲

Facilité de lecture ▲▲▲▲▲

Rapport avec le rite ▲▲▲△△

Ce récit est passionnant de bout en bout. Cet adolescent à l’impressionnante précocité, expert à 17 ans en lecture biblique et exégète du Talmud était tout droit parti pour être un rabbin de haut niveau. Ce qu’il raconte, c’est le processus intime – en fait authentique crise spirituelle - qui l’a amené à la rupture avec cette trajectoire, et sa mutation : DE-puis son initiale folie du Texte, VERS la folie de la littérature et de la philosophie.

Ce bel esprit sait en premier lieu nous faire partager « ce continent immense que, pour l’intellect, dessine la pensée juive », ses modalités uniques – très éloignées de la tradition gréco-latine - son caractère fascinant et exotique pour nous, et les personnages d’anthologie qu’il y côtoie.  

Puis il décrit chirurgicalement les points de suture qui ont lâché et l’impérieuse nécessité qui s’est alors imposée à lui d’aller vers le dehors, la première et peut-être principale étant la conscience devenue problématique pour lui d’être né là où il est né, avec le rejet du déterministe intellectuel que cela impliquait. La conscience aussi des « ficelles » d’une pensée qui prétend ne pas en avoir, des limites du commentaire talmudique en tant que genre et cadre de pensée, et enfin la bêtise universelle qui est loin d’épargner le monde juif. 

On peut résumer la crise de ce brillant intellectuel comme suit : « overdose de Jérusalem + angoisse de manquer Athènes ». Il a donc plongé dans l’eau fraiche pour lui du monde grec puis d’Heidegger et découvert l’ivresse de penser non pas sans code mais sous d’autres codes, ce qu’il appelle penser « contre lui-même ». Mais petite déception :

Levinas avait réussi la prouesse d’atteler phénoménologie et pensée juive dans une grande œuvre à la fois philosophique et exégétique. Lui se banalise un peu en découvrant Platon, Kant et Nietzsche « comme tout le monde », promouvant ensuite une forme de scepticisme un peu convenu. Mais surtout il a récemment cédé aux sirènes de la téloche, commentateur standard dans un marigot médiatique où il a tout à perdre en brûlant bêtement ses cartouches. Il faudrait lui souhaiter peut-être d’un jour retrouver – en antidote - un peu du substrat hébraïque de son éveil intellectuel initial, car, si on peut « penser contre soi », on pense rarement hors de soi.

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L’HOMME QUI PEIGNAIT LES ÂMES